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En prévision d’une grossesse
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Il n’y a aucun délai à respecter entre une vaccination contre la Covid 19 par vaccin à ARNm ou à vecteur viral et le début d’une grossesse.
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Vacciner une femme enceinte
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Les vaccins à ARNm et à vecteur viral contre la Covid 19 étant dépourvus de pouvoir infectant, il n’y a pas lieu de craindre une infection embryo-fœtale par le SARS-Cov 2 lors d’une vaccination en cours de grossesse.
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La vaccination contre la Covid 19 est envisageable en cours de grossesse, quel que soit le vaccin, a fortiori s’il existe des facteurs de risque exposant la femme enceinte à une forme sévère de la maladie.
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Compte tenu des données disponibles, de principe, et dans la mesure du possible, on préférera plutôt :
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utiliser un vaccin à ARNm
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débuter le protocole vaccinal après 10 semaines d’aménorrhée.
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Découverte d’une grossesse après la 1ère vaccination
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Rassurer la patiente quant aux risques embryo-fœtaux des vaccins contre la Covid 19.
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Si une patiente a déjà reçu la 1ere injection d’un vaccin, rien ne s’oppose à l’administration de la 2ème injection, selon le schéma vaccinal recommandé.
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Paludisme
Etat des lieux, avancées et attentes dans le traitement et la prévention du paludisme pendant la grossesse
Carles G
Service de Gynécologie-Obstétrique, Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais Franck Joly, Saint-Laurent du Maroni, Guyane
Chez les voyageuses non immunisées, la protection est nulle et les conséquences seront particulièrement sévères pour la mère et le fœtus. La baisse de l’immunité générale pendant la grossesse va aggraver le paludisme qui sera plus fréquent et plus grave, notamment chez les femmes non immunisées et les primipares. Les anticorps dirigés contre les antigènes de surface des globules rouges (GR) parasités dans le placenta jouent un rôle important dans la protection et sont généralement absents lors de la première grossesse. En effet, au niveau du placenta, les GR parasités vont exprimer un nouveau variant antigénique PfEMP1. Celui-ci étant inconnu du système immunitaire, l’immunité pré existante est inefficace ce qui explique les complications plus fréquentes pendant la grossesse notamment chez les primigestes. Ce variant antigénique entraîne la sécrétion d’IgG spécifiques à la grossesse, anticorps apparaissant après 20 semaines d’aménorrhée chez les primigestes et réapparaissant plus tôt chez les multipares, pour ensuite diminuer dans le post-partum. Il existe une relation entre le taux d’IgG inhibant l’adhésion aux récepteurs placentaires et les taux d’accouchements prématurés et de retards de croissance intra-utérins (RCIU).
Rôle du placenta
Le placenta va agir comme un filtre pour les GR parasités. Les GR parasités vont adhérer au placenta par des récepteurs spécifiques situés dans la chambre intervilleuse appelés protéoglycans chondroïtine-sulfate. La présence de ces hématies va entrainer une réaction inflammatoire avec afflux de macrophages, dépôt de fibrine périvillositaire, dépôt de pigment malarique et épaississement de la membrane basale trophoblastique. Ces lésions placentaires aggravées par la sécrétion des cytokines par les cellules T du placenta vont entraîner une diminution des échanges materno-fœtaux générant une hypoxie chez le fœtus. L’importance de ces lésions placentaires dépendra du taux de prémunition maternelle. Les lésions placentaires sont partiellement réversibles si le traitement est précoce.
Une étude en Guyane a cherché à évaluer le degré d’altération du placenta par l’analyse du doppler ombilical chez 55 gestantes impaludées. Durant la crise, les auteurs retrouvaient une élévation des résistances placentaires associée à une vasodilatation cérébrale, témoignant d’une hypoxie chez le fœtus. Ces altérations étaient transitoires en cas de traitement précoce, mais persistaient voire s’aggravaient en cas de traitement tardif, nécessitant parfois une extraction fœtale. Il existait une corrélation significative entre un doppler anormal et la densité de la parasitémie et sa durée, le délai avant traitement, le taux d’altération du rythme cardiaque fœtal pendant le travail, le taux d’hypotrophie et l’histologie placentaire. Ainsi le doppler fœtal, quand il est réalisable, peut apporter un pronostic sur l’issue de la grossesse.
Clinique
Après une incubation de 10 à 15 jours, la primo-invasion se manifeste par une fièvre à 39°C, des céphalées et souvent une diarrhée avec vomissements.
L’accès palustre est classiquement fait de 3 phases : frissons puis fièvre élevée puis sueurs abondantes. Dans le cas de Plasmodium falciparum, les aspects de la courbe thermique peuvent être très variables et chez les femmes immunisées la fièvre peut être absente et la patiente asymptomatique, d’où l’intérêt du dépistage systématique.
L’examen clinique retrouve une femme asthénique, fébrile, parfois sub-ictérique. Il existe souvent une splénomégalie et les urines sont foncées.
Diagnostic biologique
Le diagnostic repose sur la mise en évidence du plasmodium sur la goutte épaisse et son identification par le frottis qui permettra également de quantifier la parasitémie. En zone d’endémie, sans accès à un laboratoire, des kits de recherche d’une antigénémie parasitaire permettent un diagnostic rapide.
Sur le plan biologique, on retrouve également une anémie de type hémolytique, une tendance à la polynucléose neutrophile, un taux élevé de la CRP, une légère cytolyse hépatique et une tendance à l’insuffisance rénale secondaire à la déshydratation et à l’hémolyse.
Conséquences
Les facteurs de risque sont représentés par la primiparité, l’absence ou le faible taux d’immunité, le nombre de crises et le taux et la durée de la parasitémie.
Les conséquences maternelles sont les suivantes :
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morbidité : anémie, formes plus graves, infections surajoutées
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mortalité : accès pernicieux et hémorragie de la délivrance, dont l’incidence est plus élevée en cas d’infection à VIH.
Les conséquences fœtales sont l’avortement et la mort fœtale in utero (MFIU).
Les conséquences néonatales sont de trois ordres :
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retard de croissance intra-utérin, secondaire à l’augmentation des résistances placentaires et à la sécrétion de cytokines
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prématurité, favorisée par la fièvre et par la sécrétion de TNF
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paludisme congénital : rare en zone d’endémie (1 à 2%), il est plus fréquent en cas de mère faiblement immunisée. On décrit le paludisme congénital infection avec présences de parasites éliminés spontanément en quelques jours et le paludisme congénital maladie chez un nouveau-né malade avec anémie, ictère et hépatosplénomégalie.
Les parasites ne sont pas transmis par le lait maternel qui transmet par contre des anticorps protecteurs au nouveau né. La sécrétion d’interleukine 1, de TNF et d’interféron au niveau du placenta, qui stimulent l’activité phagocytaire des macrophages et la multiplication des cellules T pour diminuer les parasites, aurait un effet délétère avec augmentation du taux d’avortements, de prématurité et de RCIU. Le paludisme affecterait le phénomène de placentation ; cela expliquerait en partie l’augmentation du taux de pré-éclampsies retrouvée chez ces patientes.
Paludisme à Plasmodium vivax et grossesse
L’infection à Plasmodium vivax est nettement moins grave pendant la grossesse. Les primigestes seraient également plus souvent infectées que les multipares. P. vivax ne serait pas séquestré au niveau du placenta. Cependant il entraînerait une majoration de l’anémie gravidique ainsi qu’une augmentation du taux d’hypotrophie foetale, et quelques formes plus graves ont été décrites. Le parasite est sensible à la chloroquine qui reste le traitement de choix.
Traitement
Il devra être le plus précoce possible afin de limiter les lésions placentaires.
Médicaments
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chloroquine : elle n’est plus utilisée que pour le traitement du paludisme à P. vivax ou P. malariae ;
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méfloquine : utilisable en curatif au 2e et 3e trimestre de la grossesse ainsi qu’en traitement préventif en 1 prise hebdomadaire;
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atovaquone-proguanil : utilisable pendant toute la grossesse en curatif ainsi qu’en traitement préventif en prise quotidienne chez la voyageuse ;
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quinine : utilisable par voie orale ou parentérale, elle est le plus souvent utilisée dans les formes sévères. Sa toxicité cardiovasculaire (arythmie) et le risque d’hypoglycémie nécessitent une surveillance.
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artémisinine et dérivés : l’expérimentation animale retrouve un risque de malformations chez le rat et de mort foetale chez le singe. Chez l’homme, une série cumulative de 182 7cas traités pendant la grossesse avec un traitement plus court, dont 176 au 1er trimestre, ne retrouve pas d’effets foetotoxiques. L’OMS recommande son utilisation au 2e et 3e trimestre, et au 1er trimestre en cas d’échec d’un 1er traitement ou en cas de forme grave (15) ;
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sulfadoxine-pyriméthamine : cette association est surtout utilisée en prophylaxie dans le cadre d’un traitement préventif intermittent (TPI) ;
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clindamycine : antibiotique utilisé essentiellement en association avec la quinine ou les dérivés de l’artémisinine.
Accès à P. falciparum non compliqué
L’OMS recommande
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au 1er trimestre : quinine + clindamycine 7 jours, ou artémisinine + clindamycine pendant 7 jours si échec ;
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aux 2e et 3e trimestre : artémisinine + clindamycine pendant 7 jours ou quinine + clindamycine pendant 7 jours.
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Autres possibilités : méfloquine, atovaquone-proguanil.
Accès grave à P. falciparum
La recommandation actuelle est en 1ère intention l’artésunate IV, ou bien la quinine IV si l’accès à l’artésunate n’est pas possible.
Mesures associées
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éviter l’hyperthermie : paracétamol ;
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transfusion si taux d’hémoglobine < 7g/dL;
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tocolyse si nécessaire ;
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réhydratation.
Surveillance maternelle et fœtale
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clinique : température, PA, diurèse, contractions utérines ;
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ECG si traitement par quinine IV;
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surveillance de la vitalité fœtale : rythme cardiaque fœtal, écho-doppler si possible en début et fin de traitement ;
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biologie : tous les jours : frottis, glycémie au doigt 3 fois/j
si quinine. Après 3 jours : ionogramme, créatinine, hémogramme ;
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en fin de traitement : traitement martial, contrôle du frottis à J 15 et conseils pour éviter une ré infection et/ou chimioprophylaxie.
A l’accouchement
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hémogramme + frottis-goutte épaisse à l’entrée ;
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si dernier accès au 3e trimestre : frottis placentaire (la présence de parasites augmente le risque de paludisme congénital), frottis- goutte épaisse chez le nouveau-né.
En cas d’accouchement en période fébrile, le risque d’hémorragie de la délivrance est majoré ainsi que la transmission néonatale.
Prévention
Elle repose sur 3 axes : la lutte anti-vectorielle, la protection individuelle par moustiquaire et répulsifs et la chimioprophylaxie.
L’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide a fait la preuve de son efficacité.
La chimioprophylaxie doit être adaptée à la zone géographique, au taux de transmission et aux moyens de surveillance et de traitement. Plusieurs études ont montré qu’elle permettait une réduction de l’anémie maternelle ainsi que des RCIU, en particulier lors des 2 premières grossesses.
L’évaluation des résultats repose, dans les pays du Sud, sur les taux d’anémie maternelle, d’hypotrophie et de mortalité périnatale.
La chimioprophylaxie s’effectue :
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soit avec la prise régulière d’un antipaludéen : méfloquine, atovaquone-proguanil ;
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soit avec un traitement préventif intermittent (TPI), le plus utilisé étant l’association sulfadoxine-pyriméthamine, au moins 2 fois durant la grossesse, dont l’efficacité a été largement prouvée mais des résistances apparaissent.
La stratégie varie selon le niveau de transmission :
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en zone de haute transmission : moustiquaires imprégnées + TPI ;
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en zone de faible transmission : moustiquaires imprégnées + dépistage et traitement des cas (intermittent screening and treatment : IST)
Perspectives
Différentes recherches sont à poursuivre afin de mieux comprendre l’interaction entre le paludisme et la grossesse :
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explorer les différences d’immunité entre les zones de basse et de haute endémie ;
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rechercher le rôle des co-infections : P. vivax, helminthes ;
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préciser les troubles de la placentation induits par le paludisme.
La lutte est avant tout économique : améliorer la surveillance des grossesses, améliorer l’accès au dépistage et aux traitements préventifs et curatifs, mieux évaluer l’état fœtal (doppler ?) et lutter contre les autres carences nutritionnelles et vitaminiques.
Les perspectives reposent sur 3 axes :
Au niveau de la prévention
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améliorer la couverture en moustiquaires imprégnées ;
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répondre aux résistances observées avec le TPI par sulfadoxine- pyriméthamine en proposant de nouvelles associations : méfloquine-artésunate, pipéraquine-dihydroartémisinine, azithromycine- pipéraquine.
Au niveau thérapeutique
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diffusion des dérivés de l’artémisinine qui semblent inoffensifs aux 2e et 3e trimestre ;
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augmenter les moyens de dépistage afin de remplacer le TPI par un dépistage intermittent tout au long de la grossesse et un traitement adapté (IST) ;
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établir un registre des femmes enceintes exposées aux différentes thérapeutiques pour mieux cerner les effets secondaires des médicaments ;
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nouveau traitement : spiroindolones OZ439 non encore testé pendant la grossesse.
Vaccination
Il reste à déterminer quel serait le meilleur antigène capable d’induire une immunité suffisante et adapté aux populations les plus à risque que sont les enfants et les femmes enceintes. Après avoir stagné pendant des décennies, il semble que les recherches en cours permettront la mise au point d’un vaccin dans un futur proche.
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Conclusion
Les femmes enceintes et leurs fœtus paient toujours un lourd tribut au paludisme. En zone tropicale défavorisée, le paludisme représente une calamité supplémentaire qui s’associe à la malnutrition, à l’anémie gravidique et aux parasitoses, fragilisant un peu plus le fœtus à naître. Actuellement, les moyens de prévention et de traitement existent, la seule incertitude persiste quant à la volonté et aux moyens de les mettre en oeuvre à grande échelle.